• 非洲俄瑞斯忒斯的札记
非洲俄瑞斯忒斯的札记

非洲俄瑞斯忒斯的札记

主演:
加托·巴比耶里,唐纳德·F·莫耶,马塞洛·梅利斯,伊冯·穆雷,阿奇·萨维奇
备注:
类型:
纪录片
导演:
皮埃尔·保罗·帕索里尼
年代:
1970
地区:
意大利
语言:
意大利语
更新:
2024-03-15 10:11
简介:
导演在非洲的某地,给人们呈现,拍摄这个故事,并在此取景,完成了一部前所未有的电影,即一位黑人俄瑞斯忒斯的神话传说。...详细
相关纪录片
非洲俄瑞斯忒斯的札记剧情简介
纪录片《非洲俄瑞斯忒斯的札记》由加托·巴比耶里,唐纳德·F·莫耶,马塞洛·梅利斯,伊冯·穆雷,阿奇·萨维奇主演,1970年意大利地区发行,欢迎点播。
导演在非洲的某地,给人们呈现,拍摄这个故事,并在此取景,完成了一部前所未有的电影,即一位黑人俄瑞斯忒斯的神话传说。
非洲俄瑞斯忒斯的札记相关影评
{if:"En 1959, Vittorio Gassman demande à Pasolini une traduction de l’Orestie d’Eschyle, pour une mise en scène avec Luciano Lucignani et le Teatro Popolare Italiano au Théâtre Grec de Syracuse. Œuvre d’un poète, la traduction est de ces « belles infidèles » qui s’imprègnent avec bonheur de l’univers esthétique et théorique de leur traducteur. Quelques années plus tard, Pasolini approfondit cette « réappropriation » du texte d’Eschyle : entre 1968 et 1970 il tourne en Afrique et à Rome un film hors norme, un Carnet de notes pour une Orestie africaine, présenté comme une suite de notes filmées sur un film à faire. Œuvre hybride, polyphonique, qui tient du collage et fait de l’inachevé la structure même du film, le Carnet de notes est un splendide objet non identifié, une expérimentation formelle qui paya cher sa modernité et entra an panthéon des films maudits, refusés par la distribution cinématographique et par la télévision.Au début du film, le générique défile sur un atlas ouvert : à droite apparaît la carte de l’Afrique ; sur la page de gauche est posé un autre livre, l’Orestie d’Eschyle. Au-dessus, donc, défile le générique, qui vient superposer à l’image le nom de Pier Paolo Pasolini. Ce premier plan est à lui seul un manifeste esthétique (le collage, l’hybridation) et idéologique (la « transposition » africaine du mythe d’Oreste), signé avec panache par son auteur : non pas Eschyle, mais ce Pier Paolo Pasolini dont le nom vient se poser sur le titre du livre Orestiade. Œdipe roi nous avait prévenu : il y a fort à parier qu’ici encore, le classicisme ne sera pas le maître mot de la poétique pasolinienne.De la Grèce antique à l’Afrique contemporaineParmi les premières « œuvres » du poète Pasolini se trouvent des traductions de jeunesse de pièces de la poétesse grecque Sappho. Le dernier roman de l’écrivain, publié posthume et inachevé, se réclame à de nombreuses reprises des Argonautiques d’Apollonios de Rhodes. Entre ces deux termes, c’est toute l’activité littéraire et cinématographique de Pasolini qui se trouve influencée, explicitement ou non, par l’antiquité grecque. Le théâtre pasolinien serait né après des lectures des dialogues de Platon et l’une de ces pièces se nomme Pylade (1966) conçue justement comme une suite à la trilogie d’Eschyle. Réalisé entre Œdipe roi (1967) et Médée (1969), le Carnet de notes est donc une autre manifestation du besoin éprouvé par Pasolini de se plonger dans un passé mythique, pour explorer le présent, ou encore de son besoin de médiations culturelles pour se confronter aux réalités contemporaines.La trilogie d’Eschyle raconte la persécution d’Oreste par les Erynies, ces terribles « furies », déesses vengeresses qui punissent le non-respect des lois naturelles. Il faut dire qu’Oreste a tué sa mère Clytemnestre (laquelle, il est vrai, avait tué son père Agamemnon, à son retour victorieux de la guerre de Troie… Non, les Atrides ne sont pas des enfants de chœur…). Dans la dernière pièce, Les Euménides, Athéna instaure le premier tribunal démocratique de l’ « histoire » : l’assemblée des citoyens acquitte Oreste, et les Erinyes sont transformées en « Euménides », aussi appelées les « bienveillantes ». Mais l’Orestie pasolinienne sera africaine, et l’auteur s’en explique : « L’Orestie résume l’histoire de l’Afrique de ces cent dernières années. Le passage presque brutal et divin d’un état sauvage à un état civil et démocratique. (…) Il faut ajouter que le problème véritablement brûlant et actuel, dans les années soixante – les années du Tiers Monde et de la Négritude – est la transformation des Érinyes en Euménides (…) : la civilisation archaïque – appelée superficiellement “folklore” – ne doit pas être oubliée, méprisée ou trahie. Elle doit être intégrée à la nouvelle civilisation, de manière à l’enrichir et à la rendre particulière, concrète, historique. » [1] Le rapport de Pasolini au passé est complexe, fait de nostalgie pour le primitif, l’archaïque, la civilisation paysanne : mais il n’est pas le penseur réactionnaire que l’on catalogue un peu trop rapidement. La rage qu’il manifeste contre les sociétés occidentales croît avec la prise de conscience que le néocapitalisme fait de la table rase du passé le corollaire du progrès, et rend le présent inhumain et invivable. À partir du début des années 1960, le cinéaste voyage de plus en plus souvent dans le tiers-monde, en Afrique notamment, où l’espoir de la synthèse entre le passé et le présent – entre des forces antiques, irrationnelles, barbares, sacrées et une culture rationnelle – semble encore réalisable. Il n’est pas anodin que le Maroc ait servi de décor à Œdipe roi, la Turquie à Médée. Mais avec le Carnet de notes le lieu de tournage devient le sujet même du film.L’attitude pasolinienne n’est pas exempte d’un simplisme apparent, irritant, qui lui fait plaquer sur une réalité complexe des schémas occidentalistes post-coloniaux réducteurs. Mais le Carnet de notes est précisément une œuvre réflexive, métadiscursive, au long de laquelle le cinéaste ne cesse de questionner son propre projet, allant même jusqu’à le mettre en péril en le soumettant, dans deux séquences tournées à Rome, à un « tribunal » d’étudiants africains, dont certains sont assez peu « bienveillants ». La mise en scène de ces séquences fait du cinéaste l’accusé autant que l’avocat, Oreste et Athéna à la fois : ici comme ailleurs, Pasolini se vit comme une figure tragiquement dissociée.Esthétique du magmaLe Carnet de notes pour une Orestie africaine est une œuvre inclassable, qui brouille la frontière entre la fiction et le documentaire et instaure une relation complexe entre l’histoire et le mythe. Pasolini part en repérages en Tanzanie, en Ouganda et au Tanganyika, à la recherche de visages, de corps, de lieux, pour une Orestie future, qui se révèle n’être qu’un prétexte : le Carnet de notes est une œuvre autonome qui se contente de jouer avec cette idée d’un film à faire pour en tirer ses conditions d’existence. Véritable work in progress, l’Orestie pasolinienne vit au rythme de la réflexion du cinéaste sur son œuvre et subit les chocs de ses intuitions, de ses doutes, des éclairs de son imagination. « Une idée soudaine me force à interrompre cette sorte de récit, à casser ce style sans style qui est le style du documentaire et des notes : l’idée est de faire chanter, au lieu de faire jouer l’Orestie ». Suit une fascinante séquence de free jazz au Folkstudio de Rome, qui met en scène deux chanteurs afro-américains Archie Savage et Yvonne Murray chantant la prophétie de Cassandre, au son du saxo de Gato Barbieri. La scène du recueillement d’Oreste et Electre sur la tombe de leur père tient du cinéma anthropologique à la Jean Rouch, tandis que le début du film, interrogeant la présence matérielle des « modèles » chinois et américains en Afrique, relevait d’un style documentaire plus « habituel ». La guerre de Troie s’incarne dans de violentes images d’archive de la guerre du Biafra, « images-métaphores qui actualisent la guerre entre les Grecs et les Troyens ». L’acte de création se déroule sous nos yeux, et la seule logique qui y préside est celle de la disponibilité et d’une totale liberté d’invention. Le « film à faire » s’éparpille en une multitude de possibles, qui font jouer entre eux différents modes de récits, différents régimes d’images, différentes voix.Pasolini se fait aussi historien, ethnologue et idéologue, autant que cinéaste en repérages et poète. Il est l’accusé et l’avocat de son projet. Il est l’auteur, l’artiste, qui décide d’ouvrir son film par un plan de lui-même reflété dans la vitrine d’un magasin africain. Le texte d’Eschyle est absorbé par le cinéaste pour nourrir un poème dont la langue est l’image, et les matériaux les corps et le chant. À de nombreuses reprises, Pasolini, en voix off, lit le texte d’Eschyle (dans sa propre traduction : première contamination de la voix de l’auteur tragique grec avec sa voix propre), mais les vers du poète sont moins là pour « raconter », faire sens, que comme une ligne mélodique qui vient simplement faire entrer l’image en résonance avec un verbe poétique. Le Carnet de notes est une poésie du corps et de ses manifestations : le chant et la danse. Le plan sur les Érinyes est d’une puissance figurative hors du commun : les déesses du tourment et de la vengeance sont figurées par des arbres agités par le vent, tandis que la musique sauvage, irrationnelle du free-jazz retentit de nouveau. À la fin du film, c’est la danse de la tribu des Wa-gogo qui « dit », incarne la transformation des Érinyes en Euménides.La « poétique de l’inachèvement »Mais parler de la « fin du film » semble inapproprié, tant cet « objet cinématographique » se construit sur un mouvement permanent de contestation de la clôture. Pasolini n’a jamais envisagé de réaliser une Orestie africaine. Le Carnet de notes devait plutôt être la partie africaine d’un vaste projet, jamais réalisé (sinon, là encore, sous forme d’ébauches…), Notes pour un poème sur le tiers-monde. Évoquant cette Orestie, Pasolini déclare, en 1968 : « Il ne sera pas réalisé comme un film classique, mais comme une “intention de film”. Cette “intention de film”, je l’ai expérimentée en Inde, il y a quelque temps. » [2] Cette « poétique de l’inachèvement » (Hervé Joubert-Laurencin) devient centrale à partir de la fin des années 1960 dans la production littéraire et cinématographique de Pasolini. L’inachèvement, la non-clôture, c’est la possibilité d’ouvrir le sens, de faire entrer en résonance non seulement les divers morceaux et matériaux d’une œuvre, mais les œuvres entre elles. À y regarder de près, un réseau infini de liens se tisse entre le Carnet de notes pour une Orestie africaine et d’autres Appunti filmés (les Repérages en Palestine pour l’Évangile selon saint Matthieu (1964) et les Notes pour un film sur l’Inde (1967-68) mais aussi les Murs de Sana’a (1970) ou bien plus tôt La Rabbia (1963)), des films projetés (Le Père sauvage par exemple [3]) ou son œuvre littéraire (Pylade, ses poésies). La clôture serait-elle apportée par Médée, réalisé juste après, et qui semble opposer au « suspens » sur lequel se finit l’Orestie la clôture du « Rien n’est plus possible désormais », derniers mots hurlés par une Maria Callas en « furie » (les Érinyes sont aussi appelées Furies…) et signifiant l’impossibilité de la synthèse rêvée entre le passé et le présent ? Croire que la pensée pasolinienne suit une progression linéaire est un leurre : en 1966, avant même de s’attaquer au cinéma à la trilogie eschyléenne, Pasolini en avait écrit une suite, pour le théâtre, Pylade. Et déjà Pylade était marqué du sceau du pessimisme, comme Médée, et bien plus que le Carnet de notes. Tel est le sens de la forme de l’inachèvement : le refus du leurre de la linéarité, l’impossibilité pour la pensée de jamais s’arrêter sur des constats définitifs.« [Le Carnet de notes] n’est jamais rentré dans le circuit et je n’ai jamais compris pourquoi. » Après quarante ans de rarissimes diffusions, il est temps de (re)découvrir cette œuvre fondamentale du cinéma pasolinien.situé:http://www.critikat.com/panorama/analyse/carnet-de-notes-pour-une-orestie.html"<>"" && "En 1959, Vittorio Gassman demande à Pasolini une traduction de l’Orestie d’Eschyle, pour une mise en scène avec Luciano Lucignani et le Teatro Popolare Italiano au Théâtre Grec de Syracuse. Œuvre d’un poète, la traduction est de ces « belles infidèles » qui s’imprègnent avec bonheur de l’univers esthétique et théorique de leur traducteur. Quelques années plus tard, Pasolini approfondit cette « réappropriation » du texte d’Eschyle : entre 1968 et 1970 il tourne en Afrique et à Rome un film hors norme, un Carnet de notes pour une Orestie africaine, présenté comme une suite de notes filmées sur un film à faire. Œuvre hybride, polyphonique, qui tient du collage et fait de l’inachevé la structure même du film, le Carnet de notes est un splendide objet non identifié, une expérimentation formelle qui paya cher sa modernité et entra an panthéon des films maudits, refusés par la distribution cinématographique et par la télévision.Au début du film, le générique défile sur un atlas ouvert : à droite apparaît la carte de l’Afrique ; sur la page de gauche est posé un autre livre, l’Orestie d’Eschyle. Au-dessus, donc, défile le générique, qui vient superposer à l’image le nom de Pier Paolo Pasolini. Ce premier plan est à lui seul un manifeste esthétique (le collage, l’hybridation) et idéologique (la « transposition » africaine du mythe d’Oreste), signé avec panache par son auteur : non pas Eschyle, mais ce Pier Paolo Pasolini dont le nom vient se poser sur le titre du livre Orestiade. Œdipe roi nous avait prévenu : il y a fort à parier qu’ici encore, le classicisme ne sera pas le maître mot de la poétique pasolinienne.De la Grèce antique à l’Afrique contemporaineParmi les premières « œuvres » du poète Pasolini se trouvent des traductions de jeunesse de pièces de la poétesse grecque Sappho. Le dernier roman de l’écrivain, publié posthume et inachevé, se réclame à de nombreuses reprises des Argonautiques d’Apollonios de Rhodes. Entre ces deux termes, c’est toute l’activité littéraire et cinématographique de Pasolini qui se trouve influencée, explicitement ou non, par l’antiquité grecque. Le théâtre pasolinien serait né après des lectures des dialogues de Platon et l’une de ces pièces se nomme Pylade (1966) conçue justement comme une suite à la trilogie d’Eschyle. Réalisé entre Œdipe roi (1967) et Médée (1969), le Carnet de notes est donc une autre manifestation du besoin éprouvé par Pasolini de se plonger dans un passé mythique, pour explorer le présent, ou encore de son besoin de médiations culturelles pour se confronter aux réalités contemporaines.La trilogie d’Eschyle raconte la persécution d’Oreste par les Erynies, ces terribles « furies », déesses vengeresses qui punissent le non-respect des lois naturelles. Il faut dire qu’Oreste a tué sa mère Clytemnestre (laquelle, il est vrai, avait tué son père Agamemnon, à son retour victorieux de la guerre de Troie… Non, les Atrides ne sont pas des enfants de chœur…). Dans la dernière pièce, Les Euménides, Athéna instaure le premier tribunal démocratique de l’ « histoire » : l’assemblée des citoyens acquitte Oreste, et les Erinyes sont transformées en « Euménides », aussi appelées les « bienveillantes ». Mais l’Orestie pasolinienne sera africaine, et l’auteur s’en explique : « L’Orestie résume l’histoire de l’Afrique de ces cent dernières années. Le passage presque brutal et divin d’un état sauvage à un état civil et démocratique. (…) Il faut ajouter que le problème véritablement brûlant et actuel, dans les années soixante – les années du Tiers Monde et de la Négritude – est la transformation des Érinyes en Euménides (…) : la civilisation archaïque – appelée superficiellement “folklore” – ne doit pas être oubliée, méprisée ou trahie. Elle doit être intégrée à la nouvelle civilisation, de manière à l’enrichir et à la rendre particulière, concrète, historique. » [1] Le rapport de Pasolini au passé est complexe, fait de nostalgie pour le primitif, l’archaïque, la civilisation paysanne : mais il n’est pas le penseur réactionnaire que l’on catalogue un peu trop rapidement. La rage qu’il manifeste contre les sociétés occidentales croît avec la prise de conscience que le néocapitalisme fait de la table rase du passé le corollaire du progrès, et rend le présent inhumain et invivable. À partir du début des années 1960, le cinéaste voyage de plus en plus souvent dans le tiers-monde, en Afrique notamment, où l’espoir de la synthèse entre le passé et le présent – entre des forces antiques, irrationnelles, barbares, sacrées et une culture rationnelle – semble encore réalisable. Il n’est pas anodin que le Maroc ait servi de décor à Œdipe roi, la Turquie à Médée. Mais avec le Carnet de notes le lieu de tournage devient le sujet même du film.L’attitude pasolinienne n’est pas exempte d’un simplisme apparent, irritant, qui lui fait plaquer sur une réalité complexe des schémas occidentalistes post-coloniaux réducteurs. Mais le Carnet de notes est précisément une œuvre réflexive, métadiscursive, au long de laquelle le cinéaste ne cesse de questionner son propre projet, allant même jusqu’à le mettre en péril en le soumettant, dans deux séquences tournées à Rome, à un « tribunal » d’étudiants africains, dont certains sont assez peu « bienveillants ». La mise en scène de ces séquences fait du cinéaste l’accusé autant que l’avocat, Oreste et Athéna à la fois : ici comme ailleurs, Pasolini se vit comme une figure tragiquement dissociée.Esthétique du magmaLe Carnet de notes pour une Orestie africaine est une œuvre inclassable, qui brouille la frontière entre la fiction et le documentaire et instaure une relation complexe entre l’histoire et le mythe. Pasolini part en repérages en Tanzanie, en Ouganda et au Tanganyika, à la recherche de visages, de corps, de lieux, pour une Orestie future, qui se révèle n’être qu’un prétexte : le Carnet de notes est une œuvre autonome qui se contente de jouer avec cette idée d’un film à faire pour en tirer ses conditions d’existence. Véritable work in progress, l’Orestie pasolinienne vit au rythme de la réflexion du cinéaste sur son œuvre et subit les chocs de ses intuitions, de ses doutes, des éclairs de son imagination. « Une idée soudaine me force à interrompre cette sorte de récit, à casser ce style sans style qui est le style du documentaire et des notes : l’idée est de faire chanter, au lieu de faire jouer l’Orestie ». Suit une fascinante séquence de free jazz au Folkstudio de Rome, qui met en scène deux chanteurs afro-américains Archie Savage et Yvonne Murray chantant la prophétie de Cassandre, au son du saxo de Gato Barbieri. La scène du recueillement d’Oreste et Electre sur la tombe de leur père tient du cinéma anthropologique à la Jean Rouch, tandis que le début du film, interrogeant la présence matérielle des « modèles » chinois et américains en Afrique, relevait d’un style documentaire plus « habituel ». La guerre de Troie s’incarne dans de violentes images d’archive de la guerre du Biafra, « images-métaphores qui actualisent la guerre entre les Grecs et les Troyens ». L’acte de création se déroule sous nos yeux, et la seule logique qui y préside est celle de la disponibilité et d’une totale liberté d’invention. Le « film à faire » s’éparpille en une multitude de possibles, qui font jouer entre eux différents modes de récits, différents régimes d’images, différentes voix.Pasolini se fait aussi historien, ethnologue et idéologue, autant que cinéaste en repérages et poète. Il est l’accusé et l’avocat de son projet. Il est l’auteur, l’artiste, qui décide d’ouvrir son film par un plan de lui-même reflété dans la vitrine d’un magasin africain. Le texte d’Eschyle est absorbé par le cinéaste pour nourrir un poème dont la langue est l’image, et les matériaux les corps et le chant. À de nombreuses reprises, Pasolini, en voix off, lit le texte d’Eschyle (dans sa propre traduction : première contamination de la voix de l’auteur tragique grec avec sa voix propre), mais les vers du poète sont moins là pour « raconter », faire sens, que comme une ligne mélodique qui vient simplement faire entrer l’image en résonance avec un verbe poétique. Le Carnet de notes est une poésie du corps et de ses manifestations : le chant et la danse. Le plan sur les Érinyes est d’une puissance figurative hors du commun : les déesses du tourment et de la vengeance sont figurées par des arbres agités par le vent, tandis que la musique sauvage, irrationnelle du free-jazz retentit de nouveau. À la fin du film, c’est la danse de la tribu des Wa-gogo qui « dit », incarne la transformation des Érinyes en Euménides.La « poétique de l’inachèvement »Mais parler de la « fin du film » semble inapproprié, tant cet « objet cinématographique » se construit sur un mouvement permanent de contestation de la clôture. Pasolini n’a jamais envisagé de réaliser une Orestie africaine. Le Carnet de notes devait plutôt être la partie africaine d’un vaste projet, jamais réalisé (sinon, là encore, sous forme d’ébauches…), Notes pour un poème sur le tiers-monde. Évoquant cette Orestie, Pasolini déclare, en 1968 : « Il ne sera pas réalisé comme un film classique, mais comme une “intention de film”. Cette “intention de film”, je l’ai expérimentée en Inde, il y a quelque temps. » [2] Cette « poétique de l’inachèvement » (Hervé Joubert-Laurencin) devient centrale à partir de la fin des années 1960 dans la production littéraire et cinématographique de Pasolini. L’inachèvement, la non-clôture, c’est la possibilité d’ouvrir le sens, de faire entrer en résonance non seulement les divers morceaux et matériaux d’une œuvre, mais les œuvres entre elles. À y regarder de près, un réseau infini de liens se tisse entre le Carnet de notes pour une Orestie africaine et d’autres Appunti filmés (les Repérages en Palestine pour l’Évangile selon saint Matthieu (1964) et les Notes pour un film sur l’Inde (1967-68) mais aussi les Murs de Sana’a (1970) ou bien plus tôt La Rabbia (1963)), des films projetés (Le Père sauvage par exemple [3]) ou son œuvre littéraire (Pylade, ses poésies). La clôture serait-elle apportée par Médée, réalisé juste après, et qui semble opposer au « suspens » sur lequel se finit l’Orestie la clôture du « Rien n’est plus possible désormais », derniers mots hurlés par une Maria Callas en « furie » (les Érinyes sont aussi appelées Furies…) et signifiant l’impossibilité de la synthèse rêvée entre le passé et le présent ? Croire que la pensée pasolinienne suit une progression linéaire est un leurre : en 1966, avant même de s’attaquer au cinéma à la trilogie eschyléenne, Pasolini en avait écrit une suite, pour le théâtre, Pylade. Et déjà Pylade était marqué du sceau du pessimisme, comme Médée, et bien plus que le Carnet de notes. Tel est le sens de la forme de l’inachèvement : le refus du leurre de la linéarité, l’impossibilité pour la pensée de jamais s’arrêter sur des constats définitifs.« [Le Carnet de notes] n’est jamais rentré dans le circuit et je n’ai jamais compris pourquoi. » Après quarante ans de rarissimes diffusions, il est temps de (re)découvrir cette œuvre fondamentale du cinéma pasolinien.situé:http://www.critikat.com/panorama/analyse/carnet-de-notes-pour-une-orestie.html"<>"暂时没有网友评论该影片"}
@豆瓣短评
En 1959, Vittorio Gassman demande à Pasolini une traduction de l’Orestie d’Eschyle, pour une mise en scène avec Luciano Lucignani et le Teatro Popolare Italiano au Théâtre Grec de Syracuse. Œuvre d’un poète, la traduction est de ces « belles infidèles » qui s’imprègnent avec bonheur de l’univers esthétique et théorique de leur traducteur. Quelques années plus tard, Pasolini approfondit cette « réappropriation » du texte d’Eschyle : entre 1968 et 1970 il tourne en Afrique et à Rome un film hors norme, un Carnet de notes pour une Orestie africaine, présenté comme une suite de notes filmées sur un film à faire. Œuvre hybride, polyphonique, qui tient du collage et fait de l’inachevé la structure même du film, le Carnet de notes est un splendide objet non identifié, une expérimentation formelle qui paya cher sa modernité et entra an panthéon des films maudits, refusés par la distribution cinématographique et par la télévision.Au début du film, le générique défile sur un atlas ouvert : à droite apparaît la carte de l’Afrique ; sur la page de gauche est posé un autre livre, l’Orestie d’Eschyle. Au-dessus, donc, défile le générique, qui vient superposer à l’image le nom de Pier Paolo Pasolini. Ce premier plan est à lui seul un manifeste esthétique (le collage, l’hybridation) et idéologique (la « transposition » africaine du mythe d’Oreste), signé avec panache par son auteur : non pas Eschyle, mais ce Pier Paolo Pasolini dont le nom vient se poser sur le titre du livre Orestiade. Œdipe roi nous avait prévenu : il y a fort à parier qu’ici encore, le classicisme ne sera pas le maître mot de la poétique pasolinienne.De la Grèce antique à l’Afrique contemporaineParmi les premières « œuvres » du poète Pasolini se trouvent des traductions de jeunesse de pièces de la poétesse grecque Sappho. Le dernier roman de l’écrivain, publié posthume et inachevé, se réclame à de nombreuses reprises des Argonautiques d’Apollonios de Rhodes. Entre ces deux termes, c’est toute l’activité littéraire et cinématographique de Pasolini qui se trouve influencée, explicitement ou non, par l’antiquité grecque. Le théâtre pasolinien serait né après des lectures des dialogues de Platon et l’une de ces pièces se nomme Pylade (1966) conçue justement comme une suite à la trilogie d’Eschyle. Réalisé entre Œdipe roi (1967) et Médée (1969), le Carnet de notes est donc une autre manifestation du besoin éprouvé par Pasolini de se plonger dans un passé mythique, pour explorer le présent, ou encore de son besoin de médiations culturelles pour se confronter aux réalités contemporaines.La trilogie d’Eschyle raconte la persécution d’Oreste par les Erynies, ces terribles « furies », déesses vengeresses qui punissent le non-respect des lois naturelles. Il faut dire qu’Oreste a tué sa mère Clytemnestre (laquelle, il est vrai, avait tué son père Agamemnon, à son retour victorieux de la guerre de Troie… Non, les Atrides ne sont pas des enfants de chœur…). Dans la dernière pièce, Les Euménides, Athéna instaure le premier tribunal démocratique de l’ « histoire » : l’assemblée des citoyens acquitte Oreste, et les Erinyes sont transformées en « Euménides », aussi appelées les « bienveillantes ». Mais l’Orestie pasolinienne sera africaine, et l’auteur s’en explique : « L’Orestie résume l’histoire de l’Afrique de ces cent dernières années. Le passage presque brutal et divin d’un état sauvage à un état civil et démocratique. (…) Il faut ajouter que le problème véritablement brûlant et actuel, dans les années soixante – les années du Tiers Monde et de la Négritude – est la transformation des Érinyes en Euménides (…) : la civilisation archaïque – appelée superficiellement “folklore” – ne doit pas être oubliée, méprisée ou trahie. Elle doit être intégrée à la nouvelle civilisation, de manière à l’enrichir et à la rendre particulière, concrète, historique. » [1] Le rapport de Pasolini au passé est complexe, fait de nostalgie pour le primitif, l’archaïque, la civilisation paysanne : mais il n’est pas le penseur réactionnaire que l’on catalogue un peu trop rapidement. La rage qu’il manifeste contre les sociétés occidentales croît avec la prise de conscience que le néocapitalisme fait de la table rase du passé le corollaire du progrès, et rend le présent inhumain et invivable. À partir du début des années 1960, le cinéaste voyage de plus en plus souvent dans le tiers-monde, en Afrique notamment, où l’espoir de la synthèse entre le passé et le présent – entre des forces antiques, irrationnelles, barbares, sacrées et une culture rationnelle – semble encore réalisable. Il n’est pas anodin que le Maroc ait servi de décor à Œdipe roi, la Turquie à Médée. Mais avec le Carnet de notes le lieu de tournage devient le sujet même du film.L’attitude pasolinienne n’est pas exempte d’un simplisme apparent, irritant, qui lui fait plaquer sur une réalité complexe des schémas occidentalistes post-coloniaux réducteurs. Mais le Carnet de notes est précisément une œuvre réflexive, métadiscursive, au long de laquelle le cinéaste ne cesse de questionner son propre projet, allant même jusqu’à le mettre en péril en le soumettant, dans deux séquences tournées à Rome, à un « tribunal » d’étudiants africains, dont certains sont assez peu « bienveillants ». La mise en scène de ces séquences fait du cinéaste l’accusé autant que l’avocat, Oreste et Athéna à la fois : ici comme ailleurs, Pasolini se vit comme une figure tragiquement dissociée.Esthétique du magmaLe Carnet de notes pour une Orestie africaine est une œuvre inclassable, qui brouille la frontière entre la fiction et le documentaire et instaure une relation complexe entre l’histoire et le mythe. Pasolini part en repérages en Tanzanie, en Ouganda et au Tanganyika, à la recherche de visages, de corps, de lieux, pour une Orestie future, qui se révèle n’être qu’un prétexte : le Carnet de notes est une œuvre autonome qui se contente de jouer avec cette idée d’un film à faire pour en tirer ses conditions d’existence. Véritable work in progress, l’Orestie pasolinienne vit au rythme de la réflexion du cinéaste sur son œuvre et subit les chocs de ses intuitions, de ses doutes, des éclairs de son imagination. « Une idée soudaine me force à interrompre cette sorte de récit, à casser ce style sans style qui est le style du documentaire et des notes : l’idée est de faire chanter, au lieu de faire jouer l’Orestie ». Suit une fascinante séquence de free jazz au Folkstudio de Rome, qui met en scène deux chanteurs afro-américains Archie Savage et Yvonne Murray chantant la prophétie de Cassandre, au son du saxo de Gato Barbieri. La scène du recueillement d’Oreste et Electre sur la tombe de leur père tient du cinéma anthropologique à la Jean Rouch, tandis que le début du film, interrogeant la présence matérielle des « modèles » chinois et américains en Afrique, relevait d’un style documentaire plus « habituel ». La guerre de Troie s’incarne dans de violentes images d’archive de la guerre du Biafra, « images-métaphores qui actualisent la guerre entre les Grecs et les Troyens ». L’acte de création se déroule sous nos yeux, et la seule logique qui y préside est celle de la disponibilité et d’une totale liberté d’invention. Le « film à faire » s’éparpille en une multitude de possibles, qui font jouer entre eux différents modes de récits, différents régimes d’images, différentes voix.Pasolini se fait aussi historien, ethnologue et idéologue, autant que cinéaste en repérages et poète. Il est l’accusé et l’avocat de son projet. Il est l’auteur, l’artiste, qui décide d’ouvrir son film par un plan de lui-même reflété dans la vitrine d’un magasin africain. Le texte d’Eschyle est absorbé par le cinéaste pour nourrir un poème dont la langue est l’image, et les matériaux les corps et le chant. À de nombreuses reprises, Pasolini, en voix off, lit le texte d’Eschyle (dans sa propre traduction : première contamination de la voix de l’auteur tragique grec avec sa voix propre), mais les vers du poète sont moins là pour « raconter », faire sens, que comme une ligne mélodique qui vient simplement faire entrer l’image en résonance avec un verbe poétique. Le Carnet de notes est une poésie du corps et de ses manifestations : le chant et la danse. Le plan sur les Érinyes est d’une puissance figurative hors du commun : les déesses du tourment et de la vengeance sont figurées par des arbres agités par le vent, tandis que la musique sauvage, irrationnelle du free-jazz retentit de nouveau. À la fin du film, c’est la danse de la tribu des Wa-gogo qui « dit », incarne la transformation des Érinyes en Euménides.La « poétique de l’inachèvement »Mais parler de la « fin du film » semble inapproprié, tant cet « objet cinématographique » se construit sur un mouvement permanent de contestation de la clôture. Pasolini n’a jamais envisagé de réaliser une Orestie africaine. Le Carnet de notes devait plutôt être la partie africaine d’un vaste projet, jamais réalisé (sinon, là encore, sous forme d’ébauches…), Notes pour un poème sur le tiers-monde. Évoquant cette Orestie, Pasolini déclare, en 1968 : « Il ne sera pas réalisé comme un film classique, mais comme une “intention de film”. Cette “intention de film”, je l’ai expérimentée en Inde, il y a quelque temps. » [2] Cette « poétique de l’inachèvement » (Hervé Joubert-Laurencin) devient centrale à partir de la fin des années 1960 dans la production littéraire et cinématographique de Pasolini. L’inachèvement, la non-clôture, c’est la possibilité d’ouvrir le sens, de faire entrer en résonance non seulement les divers morceaux et matériaux d’une œuvre, mais les œuvres entre elles. À y regarder de près, un réseau infini de liens se tisse entre le Carnet de notes pour une Orestie africaine et d’autres Appunti filmés (les Repérages en Palestine pour l’Évangile selon saint Matthieu (1964) et les Notes pour un film sur l’Inde (1967-68) mais aussi les Murs de Sana’a (1970) ou bien plus tôt La Rabbia (1963)), des films projetés (Le Père sauvage par exemple [3]) ou son œuvre littéraire (Pylade, ses poésies). La clôture serait-elle apportée par Médée, réalisé juste après, et qui semble opposer au « suspens » sur lequel se finit l’Orestie la clôture du « Rien n’est plus possible désormais », derniers mots hurlés par une Maria Callas en « furie » (les Érinyes sont aussi appelées Furies…) et signifiant l’impossibilité de la synthèse rêvée entre le passé et le présent ? Croire que la pensée pasolinienne suit une progression linéaire est un leurre : en 1966, avant même de s’attaquer au cinéma à la trilogie eschyléenne, Pasolini en avait écrit une suite, pour le théâtre, Pylade. Et déjà Pylade était marqué du sceau du pessimisme, comme Médée, et bien plus que le Carnet de notes. Tel est le sens de la forme de l’inachèvement : le refus du leurre de la linéarité, l’impossibilité pour la pensée de jamais s’arrêter sur des constats définitifs.« [Le Carnet de notes] n’est jamais rentré dans le circuit et je n’ai jamais compris pourquoi. » Après quarante ans de rarissimes diffusions, il est temps de (re)découvrir cette œuvre fondamentale du cinéma pasolinien.situé:http://www.critikat.com/panorama/analyse/carnet-de-notes-pour-une-orestie.html
{end if}